Alors que nous venons de passer à l’heure d’été pour la 44 e fois depuis 1976, le parlement européen a décidé que cette transition rituelle cesserait en 2021 car elle apporte plus d’inconvénients que d’avantages. Les économies réalisées sont en effet peu significatives (nous avons quand même mis plus de 40 ans à nous en apercevoir !).
Reste une question cruciale à résoudre : resterons-nous à l’heure d’hiver ou passerons-nous définitivement à l’heure d’été ?
Le débat n’a pas fini d’enflammer les chaumières car les avis sont très partagés. Cela risque même de créer des tensions dans les familles, voire de brouiller des amis de 30 ans. Entre ceux qui sont plutôt du matin et ceux qui sont plutôt du soir, on risque d’assister à une nouvelle fracture sociale. D’autant que le gouvernement de notre pays a décidé de décentraliser la décision. Une fois n’est pas coutume, « Jupiter » passe la main aux élus locaux sur ce sujet brûlant. Cela signifie que le débat va désormais s’animer au sein des communautés de communes. Lannion-Trégor-Communauté s’est donc aussitôt emparée du sujet dans l’espoir d’arriver rapidement à un consensus au niveau du Pays de Trégor.
Hélas, trois fois hélas ! De fortes dissensions n’ont pas tardé à apparaître fragilisant par là-même une communauté d’agglomération encore jeune et mal cimentée. Cette « patate chaude » refilée par le gouvernement ne pouvait pas plus mal tomber. Sans surprise, on a vu les communes rurales de l’intérieur, plus en harmonie avec la nature et les vaches à traire, opter sans hésiter pour l’heure d’hiver. Inversement, les communes littorales se sont prononcées majoritairement pour l’heure d’été, laquelle permet de longues soirées barbecue au soleil couchant et des bains de minuit dans un crépuscule langoureux. On notera seulement quelques réticences de Perros-Guirec qui, en mode heure d’hiver, aurait pu tirer son feu d’artifice du 14 juillet à 22h00 pour permettre à ses administrés d’aller se coucher plus tôt. Mais les baigneurs de minuit ont eu finalement gain de cause. Petite crispation également à Pleumeur-Bodou à cause du club d’astronomie qui souhaitait faire le noir total à une heure raisonnable. Sans parler des paysans du bord de mer, de Louannec à la Presqu’île qui, eux aussi, ont des vaches qui sont rétives à l’heure d’été. Bref, c’est la cacophonie dans le Trégor pendant que, de là-haut, « Jupiter » s’en lave les mains.
Devant un tel imbroglio qui menaçait l’unité de l’agglo, la communauté a pris une décision forte et courageuse : chaque commune fera comme elle le souhaite. Celles qui veulent rester à l’heure d’hiver, resteront à l’heure d’hiver et les autres passeront pour toujours à l’heure d’été. Certes, cela nécessitera une certaine vigilance de la part des uns et des autres quand il s’agira de prendre un rendez-vous dans une commune qui sera « de l’autre bord ». Les transports en communs Trégorrois vont devoir s’adapter et gérer un double horaire. Chaque trégorrois devra aussi équiper sa voiture d’un double affichage de l’heure afin qu’au passage de la frontière, s’allume l’horloge en vigueur dans le secteur traversé. Un nouveau modus vivendi s’ouvre donc à nous. Mais le libre arbitre de chaque commune est préservé, c’est l’essentiel.
Nous avons beaucoup parlé des communes rurales et des communes littorales, mais quid de Lannion, la capitale du Trégor, qui est au centre de cette problématique ? Les élus lannionais, face à ce cruel dilemme, ont beaucoup tergiversé : ni commune rurale, ni vraiment commune littorale (malgré la plage de Beg-Leguer), Lannion ne savait pas où se situer et ne voulait se fâcher avec personne. Là encore, les élus de la ville pivot ont pris une décision originale et courageuse. En définitive, Lannion adoptera une heure intermédiaire entre celle d’hiver et celle d’été, soit une demie-heure de plus que l’heure d’hiver. L’avantage pour ceux qui iront de la côte à l’intérieur du Trégor en passant par Lannion est qu’ils bénéficieront d’une zone tampon qui atténuera le choc de la transition d’une heure. En procédant par deux transitions douces d’une demie-heure, l’usager sera moins déboussolé, assurément.
Ceci dit, nous allons avoir le temps de nous habituer à ce futur changement car tout cela ne rentrera en vigueur qu’en 2021, le basculement s’effectuant le 1er avril … Qu’on se le dise dans les chaumières.
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